Paco

Je n’avais pas encore le moindre semblant de barbe quand j’ai découvert “Entre dos Aguas”, c’était sur une cassette, autant dire la préhistoire. A l’adolescence, alors que je commençais à peine la guitare classique, sa satanée main droite a commencé à hanter mes nuits. Parce que si la guitare classique vous pousse à la dextérité de la main gauche, et que vous croyez savoir jouer de la guitare, le Flamenco jette tout ce que vous avez appris par dessus bord. Oubliez tout. Recommencez tout. Le travail du pouce de la main droite est une torture : le pouce du guitariste de Flamenco, c’est un peu l’annulaire de Schumann.

Alors depuis, ça ne doit pas faire loin de trois décades, je n’ai cessé d’écouter, de regarder, d’observer avec un mélange d’admiration et d’écœurement la prodigieuse dextérité du maître. Je ne parle même pas d’essayer de l’imiter. On peut regarder mille fois la position des doigts, le même geste, on peut singer, copier, plagier, mais rien n’y fait.

Une femme a eu beau m’accorder un jour le privilège de vivre la musique dans le même espace-temps, c’est ailleurs, in fine.

Au carrefour de la technique, de la culture, de la tradition, de la modernité, du talent, il est sorti de la terre ocre andalouse, aux portes de l’Afrique, à Algésiras. Il vit maintenant au Mexique, dans une grande maison, au bord de la mer, il va parfois plonger, pêcher le homard. Il regarde grandir ses petits enfants. Parfois aussi il prend des avions, il part en tournée, quelques mois…

Mais non, Paco de Lucia n’est pas mort.

Bande de sourds.

 

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