De l’obsolescence du systeme politique.

Au cours du 20ème siècle, l’humanité est passée de 1.7 milliards d’êtres humains à plus de 6 milliards. L’explosion sans précédent de notre courbe démographique est la conséquence directe de l’avènement de la société industrielle, entièrement perfusée à la consommation du pétrole, à ses nombreux dérivés, et à tout ce qui conditionne leur fabrication.

La mortalité, notamment infantile, a fortement reculé. L’hygiène, les médicaments, la nutrition, l’électricité, l’accès à l’eau, à l’assainissement, et la facilité accrue de la transformation de la matière en énergie de manière générale ont alimenté cette explosion démographique incontrôlée. Au point que la République populaire de Chine a entrepris d’y remédier en établissant le contrôle de la natalité : politique du wan-xi-shao en 1970, puis de l’enfant unique en 1979.

Si les pays occidentaux furent les premiers à bénéficier de ce que d’aucun considèrent comme les bienfaits de l’industrialisation des sociétés humaines, les pays du tiers-monde, hier appelés pays en voie de développement, aujourd’hui les émergents, en ont bénéficié également, bien que dans une moindre mesure au regard des richesses notamment minières et pétrolifères sur lesquels ils sont assis.

Et c’est ainsi, grâce au pétrole, que l’agriculture est devenue industrie, la santé est devenue industrie, la guerre est devenue industrie, la culture est devenue industrie, l’économie, l’argent, sont devenus industrie.

L’URSS, qui avait tenté de mette en pratique un modèle politique et industriel construit sur le concept de l’égalité, s’est effondrée comme un château de cartes, rongée par la bureaucratie, la paranoïa, et la course à l’armement, jusqu’à en devenir la plus abjecte des dictatures de la pensée, celle-là, fasciste, qui vous dit ce que vous pouvez ou non exprimer.

Comme l’a écrit Alexandre Soljenitsyne :

« Quelqu’un que vous avez privé de tout n’est plus en votre pouvoir. Il est de nouveau entièrement libre. »

A la suite des sommets de Genève (1985) et de Reykjavik (1986), Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan en viennent à signer, le 8 décembre 1987, le traité de Washington, entamant un processus conjoint de désarmement nucléaire.

Cette perestroïka conduite par Mikhaïl Gorbatchev et la détermination, une fois n’est pas coutume, non réprimée des Allemands de l’Est provoquent le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin 38 ans après sa construction, sous les yeux incrédules du monde entier.

 

 

Et l’occident tout entier loua la chute du « mur de la honte », et avec elle le triomphe du modèle démocratique anglo-saxon. En quelque sorte, la liberté venait de triompher de l’égalité comme paradigme politique.

Mais revenons quelque peu en arrière, du coté des vainqueurs…

Retour sur le coup d’état originel

Aux États-Unis, la Constitution de 1787, dans son article 1er, section 8, confirme l’attribution au Congrès du droit exclusif de frapper des pièces de monnaie et d’en réguler la valeur. Ce droit sera ultérieurement interprété de manière plus extensive comme le pouvoir de déléguer le droit d’émission de toute forme de monnaie, et donc le Dollar, actuellement monnaie dite de réserve. Ses rédacteurs avaient précisément voulu éviter de reproduire le modèle anglais et sa banque centrale, propriété des actionnaires privés. Comme disait Napoléon Bonaparte, « la main qui tient les cordons de la bourse détient le pouvoir« .

Durant tout le XIXe siècle, les banquiers de la City de Londres cherchèrent par tous les moyens à contourner la Constitution de 1787, afin d’étendre le système bancaire européen et contrôler celui des États-Unis.

En 1907, le marché boursier s’effondre brusquement, perdant près de 50 % de la valeur maximale atteinte l’année précédente. Cette panique nommée Panique des banquiers se produisit au milieu d’une période de récession, marquée par d’innombrables retraits de fonds des banques de détail et d’investissement. La panique de 1907 se propagea à tout le pays, de nombreuses banques et entreprises étant acculées à la faillite.

Les banquiers de la City revinrent à l’assaut et remirent sur le tapis leur projet de création d’une banque centrale privée en prenant pour prétexte l’exaspération de la population après la panique boursière de 1907.

A quelques encablures de la côte de Georgie, se trouve l’île Jekyll, ainsi nommée, non sans malice, à la suite de la parution du roman de Stevenson en 1886. Elle est à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle le lieu de villégiature d’un groupe de familles si riches qu’elles représentent à l’époque plus d’un sixième de la richesse du monde. Le Jekyll Island Club compte à cette époque parmi ses membres, les Rockefeller, les Morgan, les Crane, les Gould, les Lehman, les Ferguson, les Albright, les Vanderbilt…

C’est dans ce petit îlot bucolique appartenant à de très riches représentants de ce qu’il convient d’appeler un club de banquiers, que le sénateur Nelson Aldrich, président de la commission monétaire, qui y possédait une grande maison, convoqua une réunion qui dura une semaine, et qui fut tenue secrète. Elle rassemblait les plus éminents financiers américains : à l’ordre du jour de cette réunion, figuraient les politiques monétaires et le système bancaire. Aldrich et A. P. Andrews (vice-secrétaire du département du Trésor), Paul Warburg (représentant de Kuhn, Loeb & Co.), Frank A. Vanderlip (qui avait succédé à James Stillman comme directeur de la National City Bank of New York), Henry P. Davison (associé principal de la compagnie J.P. Morgan & Co.), Charles D. Norton (directeur de la First National Bank of New York inféodée à Morgan) et Benjamin Strong (représentant J.P. Morgan), élaborèrent dans le plus grand secret le projet d’une banque de réserves nationale (National Reserve Bank).

Était présent également le Colonel Edward M. House, étrange personnage (il n’avait de colonel que le titre honorifique, n’ayant jamais été militaire) qui devint peu après le conseiller personnel très influent du président Woodrow Wilson, fraichement investi vingt-huitième président des États-Unis en mars 1913.

(On retrouve ici de manière troublante l’origine des personnages de la série US « Docteur House« , diffusée sur FoxTV non sans un affreux cynisme historique : comme ce fut le cas politique à l’époque, c’est House qui tire les ficelles et son ami Wilson qui en subit les affres.)

              Woodrow Wilson                                                       Edward M. House

Les rôles furent si l’on peut dire répartis : au Colonel House fut dévolue la campagne de l’élection présidentielle, puis de l’action psychologique sur le Président; au Sénateur Aldrich, l’action sur le Congrès ; aux financiers la corruption de la presse et l’achat des agents d’influence. Mais l’homme qui tirait les ficelles dans les coulisses fut le puissant banquier allemand, Paul Warburg, la puissante Maison Rothschild de Londres n’étant jamais très loin.

Le Sénateur Aldrich « a fait promettre à tous les participants de garder le secret » écrivit dix-huit ans plus tard Paul Warburg dans le compte-rendu qu’il fit après les évènements dans « The Federal Reserve System, Its Origin and Growth, Volume I, p. 58, Macmillan, New York, 1930« .

 

 

 

 

 

 

 

Nelson Wilmarth Aldrich                                                    Paul Moritz Warburg

George Sylvester Viereck (écrivain allemand, 1884-1962) écrivit sur le Colonel Edward M. House: « Les Schiff, Warburg, Kahn, Rockefeller et Morgan avaient placé leur confiance en House. Lorsque la législation sur la Réserve Fédérale prit enfin une forme définitive, House fut l’intermédiaire entre la Maison-Blanche et les financiers. »

Après trois ans de ruses, de manipulations, de tractations secrètes dans les coulisses, de marchandages, eut lieu le vote en catimini et dans la plus étonnante discrétion, le 23 décembre 1913 entre 1h30 et 4h30 du matin, par le Congrès américain, du Federal Reserve Act, qui crée une banque centrale, la FED. Qui est présent au Congrès un 23 décembre à cette heure ? La date n’est certainement pas anodine.

Le lendemain du vote, le 24 décembre 1913, le banquier Jacob Schiff remercia l’influent conseiller du président :
« Mon Cher Colonel House. Je veux vous dire un mot pour le travail silencieux, mais sans aucun doute efficace, que vous avez fait dans l’intérêt de la législation monétaire, et vous féliciter de ce que cette mesure a été finalement promulguée en loi. Tous mes meilleurs vœux. Sincèrement votre, Jacob Schiff »

L’histoire ne dit pas si le colonel House lui souhaita en retour un joyeux noël.

A la fois banque d’émission du Dollar, instance de contrôle du système bancaire US, organisme décideur en matière de politique monétaire (taux d’intérêts) et banque des banques, le 24 décembre 1913, au petit matin, la Réserve fédérale des États-Unis (communément appelée FED) était née. Elle fut en apparence placée sous le contrôle du gouvernement américain, c’est en effet la Maison Blanche qui nomme, avec l’accord du Sénat, les cinq gouverneurs qui la dirigent.

Organisée de manière fédérale, son siège est toujours aujoud’hui à Washington. Elle comporte douze banques régionales, chacune ayant pour actionnaires les principales banques privées de la région.

Cependant, la liste complète des actionnaires, et surtout la part de capital que détient chacun d’eux, n’est pas publiée. Il s’agit là d’un secret extrêmement bien gardé, même s’il est possible d’entrouvrir une petite porte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Force est de constater que le « droit exclusif de frapper des pièces de monnaie et d’en réguler la valeur. » a été confié aux banquier avec la création de la FED, dans une sorte de coup d’état monétaire, financier, économique, médiatique, et politique. On notera ainsi que depuis sa création, la FED n’a jamais été auditée par le gouvernement US, et fonctionne dans la plus totale opacité. On trouve nombre de vidéo des directeurs de la FED opposant une fin de non recevoir amusée aux interrogations et requêtes de transparence des membres du Congrès US.

Quelques années plus tard, à la fin de sa vie, le président Woodrow Wilson écrira :

« Je suis un homme des plus malheureux. J’ai inconsciemment ruiné mon pays. Une grande nation industrielle est contrôlée par son système de crédit. Notre système de crédit est concentré dans le privé. La croissance de notre nation, en conséquence, ainsi que toutes nos activités, sont entre les mains de quelques hommes. Nous en sommes venus à être un des gouvernements les plus mal dirigés du monde civilisé un des plus contrôlés et dominés non pas par la conviction et le vote de la majorité mais par l’opinion et la force d’un petit groupe d’hommes dominants. »

Certains parleront de complot (il ne s’agit pas ici de théorie de complot mais de faits de complots), mais il est beaucoup plus simple et lucide de considérer ce coup d’état comme une extension du champ de compétences du corps bancaire au champ de l’action politique. On pourrait parler d’hyper-lobbying.

En portant un regard quelque peu darwinien, on peut observer un mécanisme de prédation presque naturel : l’organisme vivant met à mort des proies pour s’en nourrir ou pour alimenter sa progéniture. (La prédation est à distinguer de la nécrophagie, qui consiste à se nourrir d’un animal déjà mort, ou, si vous êtes mort, pour un banquier, vous ne valez plus rien) La prédation est très courante dans la nature où les prédateurs jouent un rôle essentiel dans le maintien des équilibres écologiques. Les prédateurs s’en prennent particulièrement aux animaux faibles ou malades.

La prédation résulte de l’exercice de la force, laquelle force résulte pour notre espèce de l’exercice des outils.

La faiblesse, finalement concédée, du président Woodrow Wilson est le point de départ, ou le point final, selon le point de vue où l’on se place, de la défaite du politique dans son rôle de protecteur des membres de l’espèce contre les mécanismes de la prédation.

Du coup d’état originel à la fête où tout le monde n’est pas invité.

Ce modèle économico-politique a-t-il changé depuis 1913? Le dollar est toujours monnaie mondiale de réserve, la FED est toujours aussi opaque, les banquiers font des allers-retours entre la FED, les gouvernements de Bush ou Obama, et les banques privées, hedge fund et firmes d’assurances. Le pouvoir politique semble n’avoir jamais repris le dessus aux Etats-Unis.

Le deal de départ passé sur Jekyll Island entre les banquiers et les politiques de l’époque visait à mettre fin aux crises et fluctuations économiques mondiales. Cent ans après, est-il besoin d’en faire le constat d’échec, de la crise de 1929 à celle de 2008 ?

Sur le chemin, les États-Unis, renoncent à indexer le Dollar sur l’Or, officieusement le 15 août 1971 quand le président Nixon décide de mettre fin à la convertibilité du dollar en or, officiellement le 8 janvier 1976 suite aux accords de la Jamaïque.

Mieux encore, le Glass-Steagall Act, qui en 1933 avait instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement, créé le système fédéral d’assurance des dépôts bancaires, et introduit le plafonnement des taux d’intérêt sur les dépôts bancaires est battu en brèche dans le milieu des années 1970, et, largement contourné par l’ensemble de la profession bancaire, est finalement abrogé sous Clinton le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit Gramm-Leach-Bliley Act, juste à temps pour permettre la fusion constitutive de Citigroup.

Les banques peuvent désormais spéculer avec l’argent des épargnants, sans aucun garde-fou.

Le mur de Berlin, est tombé, l’empire soviétique effondré, la société des hommes n’est plus qu’un vaste champ de prédation néo-libéralisé pour ce qu’il convient peut-être quand même d’appeler un cartel bancaire qui prospère, lui, sans pertes ni crises, sans faillites personnelles, sans remises en questions, et finalement sans aucun contrôle des citoyens par la politique.

Entre 2005 et 2010, bien delà des 700 milliards US du programme officiel TARP, largement rendu public et approuvé par le Congrès américain, réclamés par Henry Paulson au congrès US, sous la menace de l’effondrement du système économique mondial, la FED a discrètement prêté 1200 milliards aux banques à un taux de 0,01%, ainsi que l’a révélé récemment le journal Bloomberg.

Ainsi, certains journalistes mènent un travail d’investigation fastidieux, entravé de manière permanente par la production pharaonique de millions de pages de rapports par la FED, les grandes Banques et firmes d’assurances. Littéralement « noyés sous la paperasse ». Pour retracer les quelques 21 000 prêts, dont la valeur collective est de 1200 milliards US, Bloomberg a analysé 29 000 pages de documents de la FED jamais rendus publics auparavant.

On notera ici que le journalisme fait en quelque sorte le travail de la politique. Là où les instances publiques devraient contrôler l’argent public de manière systématique et transparente, ces chiffres nous apparaissent non seulement après coup, mais au prix d’un travail journalistique incommensurable.

Géographiquement plus proche de nous, le 30 septembre 2008, lors de la réunion de crise concernant le sauvetage de la Banque Dexia, impactée par la crise des subprimes, dans le bureau de Christine Lagarde, outre les membres de l’appareil politique et administratif de l’Élysée et de Bercy, Paris-Match immortalise sur une photo Michel Pebereau, directeur de la BNP, une des plus grandes banques mondiales. (impossible de mettre la main sur cette photo, malheureusement, si quelqu’un la trouve…)

Que fait-il là? Ce que font ses confrères depuis un siècle, il conseille, oriente, les politiques. Une phrase de Nicolas Sarkozy, révélée par le Canard Enchainé quelques mois plus tard, prononcée dans son bureau en pleine crise des subprimes devant une assemblée des plus importants banquiers français, fonctionne comme un révélateur : « Messieurs, je suis le président, je vous demande de me parler clairement, je ne comprends pas ce que vous dites ». Est-il plus bel aveu d’impuissance ?

Il ne s’agit pas ici de faire le procès des banques, quand bien même il serait salutaire. Les prédateurs font acte de prédation, et aucune chasse au sorcière ne pourra y remédier. Simplement, les hommes politiques et les partis majoritaires défendent la stabilité d’un système de profit avant l’intérêt des citoyens qui en sont pourtant la condition de possibilité, convaincus que c’est le premier qui conditionne le second.

Ainsi l’a dit Henri Kissinger :

« Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlez le peuple, contrôlez la monnaie et vous contrôlerez le monde »

Où allons-nous ?

Le plus grand danger pour ce système imbriqué politique et macro-économique? Que les citoyens, s’éduquent, s’informent, que les journalistes fassent leur travail, que le péché originel de ce coup d’état financier soit mis sur la table, et tout le système repensé avec lui. Car une fois cette prise de contrôle, à l’échelle planétaire depuis la chute de l’URSS, étant entendue, le système apparait comme un monstre aberrant. S’il conditionne le système de crédit, le temps, Kronos, dévora-t-il ses enfants?

Les moyens de protection de cette organisation désormais bien rodée sont pourtant connus : stratégie du choc avec la fabrication de « crises systémiques » à répétition (qui finissent néanmoins à apparaitre comme les hold-ups qu’ils sont), abrutissement des masses à l’aide de la télévision, et de tout ce qui peut éloigner le citoyen de la prise de conscience politique et économique, réécriture de l’histoire par les manuels scolaires et les éditocrates, diffusion massive du sentiment de peur : « choc des civilisations » entre le monde occidental et le monde arabe, (plus proche de nous, exploitation médiatique de l’affaire Merah). On notera que cette stratégie de la peur, appelée Stratégie du choc par Naomi Klein, est largement relayée par les médias dits d’information, qui, dans la course au profit, ont abandonné la vocation première de leur profession de journaliste, enquêter sur la vérité, au profit de l’exploitation des émotions de ceux qui sont devenus leurs « clients ».

Récemment, une étude acoustique a montré que le générique du journal de 20H de TF1 était constitué d’un sample de la musique du film Les Dents de la Mer. La peur paralyse, tétanise, empêche de réfléchir, méduse la conscience comme pour qui aurait regardé le monstre dans le vif de l’oeil.

C’est Pierre Bourdieu qui en parle le mieux :

« La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d’une partie très importante de la population. Or, en mettant l’accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ces droits démocratiques. »
[Pierre Bourdieu – Sur la télévision – 1996, page 18]

L’on diffusera largement des articles sur les fiançailles de Brad Pitt et Angelina Jolie, alors que nul ne connait le Comité de Bâle  ou Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (en anglais Basel Committee on Banking Supervision, BCBS) qui prend des décisions économiques cruciales pour les peuples, qu’entérinent Conseil Européen, Conseil de l’Union Européenne, Commission européenne, Parlement européen, puis finalement nos parlements et gouvernants, qui n’y entendent plus grand chose d’autre que ce que leur expliquent des conseillers formés dans de grandes écoles, la plupart financées via des fondations par… des banquiers.

En un siècle, le mariage du cartel du pétrole et du cartel bancaire (Georges W. Bush en fût l’incarnation parfaite) a méticuleusement avalé, ravagé, tout ce qui pouvait l’être sur notre écorce terrestre. La richesse organique des sols a été fortement dégradée par les pesticides issus de l’industrie pétrochimique, héritage des deux guerres mondiales, les nappes phréatiques sont infectées par les mêmes engrais. Les océans sont pollués sans cesse par les catastrophes du transport hydrocarbures, l’espace est devenu une poubelle en orbite. Un « continent » de déchets plastiques a même été découvert dans l’Atlantique nord.
Et au beau milieu de ces décombres, 1% de la population prospère éhontément, convaincue que sa richesse matérielle est la récompense de sa supériorité intellectuelle, les peuples étant visiblement trop stupides pour comprendre.

Il semble que si la chute de l’empire soviétique fut la victoire de la liberté sur l’égalité, en fait de liberté il n’est offert aux sujets de l’empire anglo-saxon que celle qui lui est gentiment permise. Quand le gouvernement américain peut arrêter, incarcérer, torturer n’importe quel citoyen sans aucune décision de justice, on est en droit de se demander où est la liberté promise.

Ce processus de prédation semble s’accélérer maintenant. Il aurait pu s’inscrire dans un temps long, mais pour boucler la boucle, le pétrole, qui fut la condition de possibilité de cette explosion consumériste commence à manquer. Selon les études, le pic pétrolier, soit la production maximale par rapport à la demande mondiale, se situe entre 2005 et 2030. Le problème est suffisamment sérieux pour que même l’armée américaine s’en inquiète. Les plus optimistes espèrent l’avènement d’énergies de substitution. Sans pétrole, matière fossile en quantité limitée, plus de brosses à dents, plus d’ordinateurs, plus d’usines, plus de produits chimiques, plus d’électricité, plus de voitures, et d’ici quelques décennies, la production industrielle mondiale pourrait sinon s’arrêter, du moins être fortement ralentie. L’humain aura peut-être trouvé d’autres matières premières à transformer pour continuer à mener au désastre écologique son environnement dans son élan frénétique de production, comme un virus ravageant le corps qui l’habite, mais de pétrole il n’y aura plus.

Et quand il y aura moins, ou plus du tout, de pétrole, quand il sera devenu si rare et donc si cher que nous ne pourrons plus l’acheter, qu’adviendra-t-il de ce formidable boom démographique qu’il a rendu possible à l’espèce humaine? Comment produire et nourrir 7 milliards d’individus sans pétrole? Qui y survivra ?

Il n’est pas interdit de penser qu’un groupe de gens qui ont réussi à prendre le contrôle de l’économie mondiale en moins d’un siècle, en passant par dessus le pouvoir politique, se sont déjà posé la question de la pénurie de pétrole, et sont déjà en train d’œuvrer à leur propre intérêt.

Voilà peut-être une des raisons de ces politiques d’austérité, qui sonnent comme des réductions à l’esclavage des populations. Quand les gens meurent de faim, vivent dans la peur, ils ne voient plus dans quel monde ils évoluent, leur évaluation de l’environnement est fortement altérée. Les plus obèses sont les plus exposés à la malbouffe, et les plus exposés à la malbouffe sont ceux qui auront le plus de mal à se baisser pour planter une graine. Le prédateur ne veut pas d’un corps mort, il veut juste un corps blessé, amenuisé, affaibli.

Renseignez-vous sur la Réserve mondiale de semences du Svalbard (en anglais Svalbard Global Seed Vault et littéralement Chambre forte mondiale de graines du Svalbard), une chambre forte souterraine sur l’île (encore une île) norvégienne du Spitzberg destinée à conserver dans un lieu sécurisé des graines de toutes les cultures vivrières de la planète et ainsi de préserver la diversité génétique. Financée entre autres par la Fondation Gates, le groupe Monsanto, et la Fondation Rockfeller, avec le concours à 70% de 100 pays. Une initiative qui peut être saluée, mais qui le serait moins en cas de pénurie alimentaire mondiale, puisqu’elle deviendrait un levier économique et un moyen de contrôle des populations sans précédent.

Gauche ou droite, démocrate ou républicain, un dualisme n’en masque-t-il pas un autre? Entre une élite financière, bancaire, intellectuelle, qui a 30 ans d’avance sur les états et les politiques, et la masse des hommes, abandonnés là à consommer, notre modèle politique, hérité du clivage entre l’empire soviétique et l’empire anglo-saxon apparait aujourd’hui comme totalement obsolète. C’est peut-être cette obsolescence qui fait que beaucoup de citoyens ne voient plus réellement de différence entre un François Hollande et un Nicolas Sarkozy, au delà de leurs qualités humaines respectives. A raison.

C’est peut-être aussi dans ce dépassement d’un modèle obsolète que se sont épanouis les mouvements populaires d’Amérique Latine de cette dernière décennie. Et dans une moindre mesure, le score (du moins sondé pour ce que ça vaut) étonnant d’une gauche française réveillée par Mélenchon. On notera dans le même temps que le parti au pouvoir en France, l’UMP, vient de retirer onze pays de la liste noire des paradis fiscaux, lesquels ne se sont pourtant jamais aussi bien portés, démarche qui sonnerait presque comme un signal de retraite sur un champ de bataille. Chacun en tirera les conclusions qui s’imposent.

Le découpage politique des sociétés humaines en nations, pays, républiques, dictatures, monarchies, fédérations, est-il jugé désormais inadéquat par les acteurs les plus puissants de ce que l’on nomme informément « le marché », mais qui n’est finalement que le même club de banquiers qui poussa à la création de la FED dès 1910? Les hommes politiques ne sont pas compétents en économie ? C’est à se demander si les décisions ne seront pas désormais prises par ceux qui possèdent les compétences, et aux politiques de les mettre en application dans leur champ législatif respectif. Ne pas entraver l’épanouissement de la libéralisation du marché financier, qui de moins en moins nous demande notre avis : il sait mieux que nous ce qui est bon pour nous. Et la majeure partie des politiques et des médias d’acquiescer, tous en chœur, acquis aux vertus du néo-libéralisme, sans plus d’esprit critique, écologique, environnemental, historique, que ne semble pas favoriser leur vie opulente.

La transformation de l’organisation de la multiplicité des sociétés humaines en une structure mondialisée n’a en soi rien de dramatique, et ce pourrait même être un vecteur de la rationalisation de l’organisation des besoins et des ressources. Si cette mondialisation est opérée par une élite financière, avec comme axe principal la création d’une monnaie mondiale unique conditionnant tous types d’échanges (information, savoir, objet, création, nutrition, ressources du bien commun, molécules médicales, eau, semences, etc…), il est à craindre que la plus grande partie des populations n’y trouve point son compte, sinon perpétuellement à découvert, et se retrouve réduite à son plus petit espace d’expression.

Justement, l’espace politique, économique, écologique, d’information, est entièrement à redessiner autrement, ce qui ne se fera probablement pas sans douleur, au regard des moyens qui sont et seront immanquablement opposés aux citoyens.

Les instruments politiques de lutte existent bel et bien, à quelques encablures de nos bulletins de vote : lois, décrets, interdictions des produits dérivés, des ventes à découvert (à nu), du High Frequency Trading, reprise du contrôle de l’émission de la monnaie, de la BCE en Europe, de la FED aux USA.

Nous sommes sacrément en retard sur la compréhension des mécanismes du monde économique, politique et social dans lequel nous évoluons, alors qu’il nous faudrait plus que jamais peser sur les décisions que prennent les prédateurs qui contrôlent l’économie depuis des décennies. Est-il à démontrer que leur laisser toute latitude, croire en leur discours qui prend racine dans la supercherie (Jekyll Island, qui s’appelait originellement l’ile de la somme, n’a certainement pas été rebaptisée par hasard), sans exercer sur eux un contrôle qui semblerait aussi logique que salutaire mène probablement, sinon à la catastrophe, au moins à notre propre aliénation ?

Entre autres moyens d’information, Internet est un excellent outil de décryptage et de compréhension, et toutes les tentatives de son contrôle ne sont que l’illustration des dangers qu’il représente pour une oligarchie plus que centenaire, bien assise sur le cuir de son épais fauteuil bourré des intérêts de dettes odieuses. (La dette odieuse est une jurisprudence avancée par certains auteurs en matière de droit international relative à une dette contractée par un régime, et qui sert à financer des actions contre l’intérêt des citoyens de l’État et dont les créanciers avaient connaissance).

Éteignez votre télévision qui, vous faisant subir son et image, vous condamne à la passivité. Chacun d’entre nous a un choix bien personnel à faire, l’acceptation ou non d’être l’objet de la prédation. Lisez des livres, renseignez-vous, sortez des sentiers battus, des chemins tous tracés de la pensée, discutez, débattez, faites circuler les informations, décryptez les discours officiels, cherchez ce que cache l’histoire, soufflez sur les rideaux de fumée. Créez des réseaux, qui du coup vous appartiennent, et exploitez leur formidable puissance de diffusion du savoir.

Nous pourrions bien en avoir très prochainement besoin.

« Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner » [Warren Buffett]

Quelques liens pour aller plus loin :

15 réflexions sur “De l’obsolescence du systeme politique.”

  1. Ah c’est aussi mon sujet et mon fond de réflexion en ce moment. L’élection fait partie du spectacle en cours, la distraction des foules !
    Pour l’URSS, je crois qu’elle s’est effondrée aussi pour avoir voulu concourir contre un système conçu pour produire un maximum de richesse dans la course à l’espace. Elle s’est épuisée ! 🙂

    Très bel article, j’en partage l’essentiel ! 🙂

  2. Ping : Du travail [Quoi ! encore ?] | 12 regards sur la présidentielle

  3. Bel article, fouillé et complet, décrivant tous les aspects nocifs du libéralisme ainsi que son idéologie.
    La chute du mur de Berlin est en effet un point marquant : image apparente de la liberté, ce fut la porte ouverte à la pensée unique, mère de la finance et du profit.
    Votre conclusion est importante : s’informer, lire, se cultiver ! L’éducatif doit résister à cette philosophie qui fait que les programmes de l’Education Nationale sont dans les mains de l’Institut Montaigne. Et que au delà, se profile aussi une philosophie de santé où tout sentiment humain devrait être médicalisé pour le bien-être de l’industrie pharmaceutique. Quelque soit le domaine qu’on observe, partout cette idéologie du profit au détriment de l’être humain.

    Par contre, pour reprendre l’image de Chronos dévorant ses enfants, si Zeus se fait manger, le libéralisme va s’autodétruire (quand il n’y aura plus rien à exploiter, ce ne sont pas les billets verts qui les nourriront). Sinon, la résistance à cette idéologie renversera la situation. Personnellement, j’ai confiance en l’être humain 😉

  4. Ping : société 9 | Pearltrees

  5. Bravo pour cette synthèse

    à laquelle je suggère d’ajouter une piste intéressante pour sortir de cette fricocratie :
    le jour où une majorité politique décidera que l’Euro et le Dollar n’ont plus de valeur, et de mettre en place une MONNAIE DISTRIBUTIVE (distribuée à la population par un REVENU D’EXISTENCE ÉQUITABLE, mesure mise en place en même temps que l’instauration de la PROPRIÉTÉ D’USAGE à la place de la propriété privée), l’oligarchie perdra tout pouvoir !!!

  6. Pas mal, mais faut vérifier certains détails.
    C’est *Henry* Kissinger, pas David. Et la citation que tu cites provient d’une traduction (bien pourrie) d’un article sur-titré « accurate satire » dans Global Research, initialement publié sur le Daily Squib, « a curious satirical publication and should therefore be taken fu**ing seriously 😉 »
    Bref, c’est un fake et ça n’a rien à foutre dans un article qui se veut sérieux. C’est le cas chez toi, non ?

    1. Coquille du prénom corrigée, merci.

      Il a effectivement été interviewé par le Daily Squib, et l’a effectivement dite, même si l’on peut considérer qu’il y a une forte pincée de cynisme et d’ironie.

      http://www.dailysquib.co.uk/world/3089-henry-kissinger-if-you-can-t-hear-the-drums-of-war-you-must-be-deaf.html

      On trouve cette phrase ailleurs, sur des sites plus sérieux, notamment sur le site fédéral de l’Utah:

      http://ag.utah.gov/learn/index.html

      Je maintiens la citation, sérieuse ou pas elle reste très intéressante en elle-même.

    2. Bon OK pour la citation. Pour le DS je pense vraiment que c’est de la satire… on va dire que c’est « ce qu’il aurait pu dire », ou une synthèse de la pensée profonde (hum) du bonhomme.

  7. Merci de me rappeler que je fais partie de la grande masse des moutons qui subissent sans comprendre ni même s’en apercevoir ! Par contre, je ne vois pas ce que vient faire ici la référence au candidat à un nouveau poste de ministre Mélenchon, prédateur politique comme les autres, son Orien est bien dans le système, mais lui il le sait…

  8. depuis le temps que je « suis sur l’affaire », je n’ai JAMAIS réussi à « même avoir l’idée de pouvoir un jour, éventuellement » résumer la situation « glôbôl » de façon aussi lumineuse, claire et implacable.

    je me remets au tricot !

    au fait : l’idée de dépopulation fait son chemin ds les médias. entre le peak oil (dont on ne parle pas) et la dépopulation (dont on parle) il y a la télévision ?

    http://www.guardian.co.uk/environment/2012/apr/26/world-population-resources-paul-ehrlich

    merci ! et bravo !

  9. Une gauche française réveillée par Mélenchon ? Quid de son alliance avec Hollande, intégralement soumis à la finance ? (voir ses déclarations et son équipe)

    J’ajouterais qu’il manque une allusion à la loi de 1973 pour que cette bonne synthèse soit complète.

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